En 1560, sur les conseils de Jean Nicot, Catherine de Médicis commença à priser de la poudre de feuilles de tabac séchés afin de guérir ses migraines et rhumes de cerveau. Elle n’aura jamais pu imaginer que la prise de tabac connaîtrait une telle vogue.
Au 17e et 18e siècle, le tabac se prisait. Les excès de la rage de priser du tabac étaient souvent condamnés par les autorités civiles et religieuses. L’ampleur de la prise du tabac au 18ième était comparable à la consommation actuelle de cigarettes.
La prise du tabac s’était raffinée dans les milieux aisés. De nombreux traités sur les règles précises relatives à la consommation et le traitement du tabac à priser furent publiés en France au début du 18e siècle.
Au 18e et 19e siècles, le priseur se servait le plus souvent d’un pot à tabac à priser. C’étaient les pots de tabac renommés en faïence de Delft au couvercle en cuivre et des inscriptions telles que Dunkerque, Saint-Omer, Tonca, Saint-Vincent, Tabac de Paris, Violet etc. Le tabac à priser était soigneusement pesé en petites quantités sur des balances spéciales aux extrémités en forme de bec. Comme la consommation du tabac à priser augmenta fort, on chercha des méthodes de fabrication en quantités plus grandes. Au 18e siècle on se servait de moulins à eau ou de moulins à vent et de moulins actionnés par des chevaux. Dans notre plat pays, on profitait surtout de l’énergie éolienne. En février 1770, Anna Storme, veuve Joost De Hulst, introduisit une demande de brevet auprès de l’abbé de Saint-Pierre à Gand pour la construction d’un moulin à vent sur les terrains de l’abbaye de Desselgem. Le moulin servirait à extraire de l’huile et à moudre le tabac à priser. En ville, on construisait surtout des moulins actionnés par des chevaux. A Bruges, plusieurs manèges étaient opératoires en 1849. D’après les déclarations d’un ancien aiguiseur de meules, les dimensions et l’épaisseur des meules d’un moulin spécial pour le tabac à priser sont plus petites que celles d’un moulin à vent. En outre, elles sont moins dures. D’ailleurs, les feuilles de tabac séchées sont moins dures que les grains de blé. A partir de 1850, les fabricants de machines de tabac produisirent des moulins à tabac mécaniques plus petits, plus légers et plus rentables que les anciens manèges.
La transformation du tabac en tabac à priser était très compliquée et durait des mois. Il fallait des tas d’ingrédients. Les sauces étaient essentielles, ils déterminaient l’arôme et le goût du tabac à priser. Un « manuel destiné à ceux qui veulent se professionnaliser dans le traitement du tabac », publié aux Pays-Bas à la fin du 19e siècle, mentionne l’ajout de carbonate de calcium, sel de cuisine, eau-de-vie française, baie de genièvre, raisins et prunes séchés et même de rhum. On se servait aussi de lavande, essence de roses, menthol, muscade, sirop de sucre à la préparation de la sauce dans laquelle on trempait les feuilles de tabac. Chaque artisan avait sa méthode à lui pour aromatiser le tabac à priser. Le secret était jalousement gardé et passé de père en fils. Jules Debackere, le dernier artisan de tabac à priser à Harelbeke, reçut le secret de son patron Charles Pype qui était malade et incapable d’ajouter lui-même les ingrédients. Il n’ajoutait que du sel de cuisine, du menthol et de l’essence de roses, la préparation était réduite à deux mois.
Du temps de Napoléon, une tabatière était souvent offerte en cadeau à des membres de la famille et à des amis. Napoléon préféra des tabatières en or comme cadeau publicitaire. A cet effet il avait même une liste officielle. Plus le personnage était important, plus la tabatière coûtait. Cette coutume ne disparut pas avec Napoléon. Le roi Léopold I de Belgique visita Bruges en 1833 et reçut des figures marquantes de notre province et leur offrit des cadeaux. Le bourgmestre de Courtrai A. Goethals reçut un service de dessert de porcelaine, les sieurs A. Donche, P. Vandeghinste, Delacroix et son fils reçurent chacun une tabatière en or.
La fabrication du tabac à priser était une activité importante à Harelbeke au 19e et au début du 20e siècle. Trois firmes produisirent des centaines de tonnes de tabac à priser. La dernière usine de tabac à priser locale continua jusqu’en 1970. La consommation et la fabrication du tabac à priser ont complètement disparu de nos régions. Le tabac se prise encore dans les maisons de repos pour personnes âgées.
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